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Читаю литературу и поэзию на французском языке.
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2022-08-08 23:17:21 « Nous étions une bande d'effrontés, de jeunes roués (entre seize et dix-neuf ans) qui mettions notre honneur à tout oser en fait d'indiscipline et d'insolence. Nous n'étions pas élevés à la française, et, du reste, nous Français, nous n'étions qu'une bien faible minorité dans le collège ; à tel point, que la langue en usage entre élèves était l'espagnol. Le ton dominant de l'institution était la dérision de toute sensiblerie et l'exaltation des plus rudes vertus. Bref, c'était un lieu où l'on entendait cent fois par jour, prononcés avec un accent héroïque, ces mots : « Nous autres Américains. »

Ceux qui disaient cela (Santos et les autres) formaient une élite dont tous les élèves exotiques (Orientaux, Persans, Siamois) étaient exclus, une élite dans laquelle, pourtant, nous Français étions admis, d'abord parce que nous étions chez nous, dans notre propre pays, et ensuite parce que, comme nation, historiquement nous valions presque la race au sang bleu, la gent de raison. C'est là un sentiment qui paraît perdu, aujourd'hui, chez nous : on dirait que nous sommes des bâtards qui évitons de parler de nos pères. Ces fils des armateurs de Montevideo, des marchands de guano du Callao, ou des fabricants de chapeaux de l'Équateur, se sentaient, dans toute leur personne et à tous les instants de leur vie, les descendants des Conquistadores. Le respect qu'ils avaient pour le sang espagnol, – même lorsque ce sang était, comme chez la plupart d'entre eux, un peu mélangé de sang indien, – était si grand, que tout orgueil nobiliaire, que tout fanatisme de caste semble mesquin, comparé à ce sentiment-là, à la certitude d'avoir pour ancêtres des paysans de la Castille ou des Asturies. C'était une belle et bonne chose, après tout, que de vivre parmi des gens qui avaient ce respect d'eux-mêmes (et ce n'étaient que de grands enfants). Je suis sûr que le petit nombre d'anciens élèves restés en France se rappellent aujourd'hui avec reconnaissance notre vieux collège, plus cosmopolite qu'une exposition universelle, cet illustre collège Saint-Augustin, maintenant abandonné, fermé depuis quinze ans déjà... »


Valery Larbaud, Fermina Márquez, 1911.
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2022-08-05 21:59:54
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2022-08-05 21:59:54 « Si faire de l’histoire et raconter une histoire sont, en vérité, un seul et même geste, alors l’écrivain lui-même se trouve face à une tâche paradoxale. Il lui faudra croire uniquement et de manière intransigeante à la littérature – c’est-à-dire à la perte du feu, il lui faudra s’oublier dans l’histoire qu’il tisse autour de ses personnages et, cependant, fût-ce à ce prix, il lui faudra discerner au fond de l’oubli les éclats de lumière noire qui proviennent du mystère perdu.

« Précaire » signifie ce qu’on obtient à travers une prière (praex, requête verbale, distincte de quaestio, une requête faite avec tous les moyens, fussent-ils violents) et qui pour cette raison se révèle fragile et aventureux. Et la littérature est aventureuse et précaire, si elle veut se maintenir dans un rapport juste avec le mystère. Tout comme l’initié d’Éleusis, l’écrivain procède dans le noir et la pénombre sur un sentier suspendu entre dieux infernaux et dieux supérieurs, entre oubli et souvenir. Il y a toutefois un fil, une sorte de sonde lancée vers le mystère, qui lui permet de mesurer la distance qui le sépare du feu. Cette sonde, c’est la langue, et c’est sur la langue que les intervalles et les ruptures qui séparent le récit du feu se marquent comme des blessures implacables. Les genres littéraires sont les plaies que l’oubli du mystère trace sur la langue : tragédie et élégie, hymne et comédie ne sont rien d’autre que les modes dans lesquels la langue pleure son rapport perdu au feu. Aujourd’hui les écrivains ne semblent plus s’aviser de ces blessures. Ils avancent comme aveugles et muets sur l’abîme de leur langue et n’entendent pas la plainte qui monte, ils croient utiliser la langue comme un instrument neutre et ne perçoivent pas le bégaiement rancunier qui exige la formule et le lieu, qui demande des comptes et appelle à la vengeance. Écrire signifie : contempler la langue, et qui ne voit pas et n’aime pas sa langue, qui ne sait pas épeler sa frêle élégie ni percevoir son hymne étouffé, celui-là n’est pas un écrivain.

Le feu et le récit, le mystère et l’histoire sont les deux éléments indispensables de la littérature. Mais comment un élément dont la présence apporte la preuve irréfutable de la perte de l’autre, peut-il témoigner de cette absence, en conjurer l’ombre et le souvenir ? Là où il y a récit, le feu s’est éteint, là où il y a mystère, il ne peut y avoir d'histoire. »


Giorgio Agamben, Le feu et le récit, 2015. Traduit de l'italien par Martin Rueff.
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2022-08-04 22:25:33
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2022-08-04 22:25:33 « CHAPITRE III
« On n’écrit point assez.

« La paresse, la méfiance de ses propres forces, la modestie et la retenue sont les causes de ce mal qui prive souvent le public d’un grand nombre d’ouvrages utiles et curieux.
« Je ne sais par quelle fatalité, pour les Lettres, on trouve toujours des hommes paresseux et savants tout à la fois, comme si ce vice entrait dans le caractère d’un homme spirituel, ou du moins qu’il en fût presqu’inséparable. On en cherche quelquefois des raisons, prises dans la nature, la délicatesse des organes, l’abondance des lumières, la peine qu’a un bon esprit à se contenter, ce sont souvent des prétextes frivoles dont autorise sa négligence. Combien avons-nous d’excellents livres, travaillés par des hommes aussi spirituels, aussi délicats et aussi érudits que le sont ceux que je blâme ici ? Vous en trouverez de plus sicères, qui avouent sans façon que le plaisir d’être paresseux leur semble préférable au plaisir de composer un ouvrage.
« La méfiance de ses propres forces retient quelques-uns dans le silence ; ils ne savent pas tout ce qu’ils peuvent. La timidité répand sur leur esprit un voile qui les embarrasse, qui leur dérobe une partie de leurs lumières, qui leur cache tout ce qui anime les autres à travailler, qui les rend incertains, inconstants, toujours prêts à laisser imparfait ce qu’ils ont commencé ; bien différents de ces écrivains hardis, présomptueux, qui, sans presque lever la plume, commencent et achèvent un ouvrage. »

Abbé Joseph Antoine Toussaint Dinouart, L’Art de se taire, principalement en matière de religion, 1771.
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2022-08-02 22:45:11
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2022-08-02 22:45:11 Il n’en resterait donc rien, ou seulement la petite pédagogie que je décrivais ? Pas tout à fait. A la grande époque, autour de 1970, la théorie était un contre-discours, qui mettait en question les prémisses de la critique traditionnelle. Objectivité, goût et clarté, ainsi Barthes résumait-il, dans Critique et Vérité, en 1966, l’année magique, les articles de foi du « vraisemblable critique » universitaire auquel il voulait substituer une « science de la littérature ». Il y a théorie quand les prémisses du discours ordinaire sur la littérature ne sont plus acceptées comme allant de soi, quand elles sont questionnées, exposées comme des constructions historiques, comme des conventions. A ses débuts, l’histoire littéraire se fondait elle aussi sur une théorie, au nom de laquelle elle élimina de l’enseignement littéraire la vieille rhétorique, mais cette théorie a été perdue de vue ou édulcorée au fur et à mesure que l’histoire littéraire s’identifiait à l’institution scolaire et universitaire. L’appel à la théorie est par définition oppositionnel, voire subversif et insurrectionnel, mais la fatalité de la théorie est d’être transformée en méthode par l’institution académique, d’être récupérée, comme on disait. Vingt ans après, ce qui frappe, autant sinon plus que le conflit violent de l’histoire et de la théorie littéraires, c’est la similitude des questions posées par l’une et par l’autre dans leurs débuts enthousiastes, et notamment celle-ci, toujours la même : « Qu’est-ce que la littérature ? »

Permanence des questions, contradiction et fragilité des réponses : il en résulte qu’il est toujours pertinent de repartir des notions populaires que la théorie a voulu annuler, les mêmes qui se sont redressées depuis que la théorie s’est essoufflée, afin de repasser par les réponses oppositionnelles qu’elle a proposées, mais aussi d’essayer de comprendre pourquoi celles-ci n’ont pas résolu une fois pour toutes les vieilles questions. Peut-être la théorie, à force de lutter contre l’hydre de Lerne, a-t-elle poussé ses arguments trop loin et se sont-ils retournés contre elle ? Chaque année, devant de nouveaux étudiants, il faut repartir des mêmes figures de bon sens et clichés irrépressibles, du même petit nombre d’énigmes ou de lieux communs qui balisent le discours ordinaire sur la littérature. J’en examinerai quelques-uns, les plus résistants, car c’est autour d’eux qu’on peut construire une présentation sympathique de la théorie littéraire dans toute la vigueur de ses justes colères, à travers la manière dont elle les a combattus – en vain. »


Antoine Compagnon, Le démon de la théorie, 1998.
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