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2022-06-06 22:52:42 « C’est en retraçant les actes familiers de Don Carlos, mystérieusement enlevé par quelques sbires masqués, que le Roman comique (1651) évoque une scène de toilette. Le prisonnier est noble, le cadre est somptueux. Scarron décrit les gestes et les objets : la diligence du service bien sûr, le faste de certains détails aussi, le chandelier de vermeil ciselé par exemple, mais encore les marques de propreté. Or, celles-ci débordent de sens : elles sont à la fois proches et totalement distantes des nôtres. Elles pourraient ressembler à certaines pratiques d’aujourd’hui et elles en sont pourtant très éloignées. L’intérêt de Scarron se polarise sur des indices devenus aujourd’hui accessoires, et il glisse sur d’autres devenus au contraire essentiels. Des « manques » surtout ou des « imprécisions » comme si nos comportements les plus quotidiens étaient encore à inventer, alors qu’ils ont pourtant ici quelques-uns de leurs équivalents. En particulier, le seul geste d’ablution cité est très concis : « J’oubliais à vous dire que je crois qu’il se lava la bouche, car j’ai su qu’il avait grand soin de ses dents […]. » L’attention à la propreté est centrée plus explicitement sur le linge de corps et sur l’habit : « Le nain masqué se présenta pour le servir et lui fit prendre le plus beau linge du monde, le mieux blanchi et le plus parfumé. »

Aucune évocation de l’eau dans l’ensemble de ces scènes, sinon de l’eau qui lave la bouche. L’attention à la propreté est faite pour le regard et l’odorat. Elle existe, quoi qu’il en soit, avec ses exigences, ses répétitions, ses repères, mais elle flatte d’abord l’apparence. La norme se dit et se montre. La différence avec aujourd’hui, toutefois, est qu’avant de se référer à la peau, elle se réfère au linge : l’objet le plus immédiatement visible. Cet exemple montre, à lui seul, qu’il est inutile de dénier l’existence des pratiques de propreté dans une culture pré-scientifique. Les normes, dans ce cas, ne sont pas issues d’un « point zéro ». Elles ont leurs ancrages et leurs objets. C’est leur changement à venir ou leur complexification qui sont plutôt à découvrir ; c’est surtout leurs lieux de manifestation et leurs modes de transformation.

Une histoire de la propreté doit donc d’abord illustrer comment s’additionnent lentement des exigences. Elle juxtapose des contraintes. Elle restitue un itinéraire dont la scène de Don Carlos ne serait qu’un des jalons. D’autres scènes, dans le temps, l’ont évidemment précédée, plus frustes encore, où le changement de chemise lui-même, par exemple, n’avait pas la même importance. Le linge, en particulier, n’est pas un objet d’attention fréquente, ni même un critère de distinction, dans les scènes de réceptions royales décrites deux siècles auparavant par le roman de Jehan de Paris.

La propreté reflète ici le processus de civilisation façonnant graduellement les sensations corporelles, aiguisant leur affinement, déliant leur subtilité. Cette histoire est celle du polissage de la conduite, celle aussi d’un accroissement de l’espace privé ou de l’autocontrainte : soins de soi à soi, travail toujours plus serré entre l’intime et le social. Plus globalement, cette histoire est celle du poids progressif de la culture sur le monde des sensations immédiates. Elle traduit l’extension de leur spectre. Une propreté définie par l’ablution régulière du corps suppose, tout banalement, une plus grande différenciation perceptive et une plus grande autocontrainte qu’une propreté essentiellement définie par le changement et la blancheur du linge.
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2022-06-05 23:08:36
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2022-06-05 23:08:36 « Zomia est un terme récent, employé pour désigner grosso modo tous les territoires situés à des altitudes supérieures à environ 300 mètres, des hautes vallées du Vietnam aux régions du nord-est de l’Inde, et traversant cinq pays d’Asie du Sud-Est (le Vietnam, le Cambodge, le Laos, la Thaïlande, et la Birmanie) ainsi que quatre provinces chinoises (le Yunnan, le Guizhou, le Guangxi et certaines parties du Sichuan). Il s’agit d’une étendue de 2,5 millions de kilomètres carrés abritant environ 100 millions de personnes appartenant à des minorités d’une variété ethnique et linguistique tout à fait sidérante. D’un point de vue géographique, la région est aussi appelée massif continental du Sud-Est asiatique. Comme cet immense territoire se trouve à la périphérie de neuf États et au centre d’aucun, dans la mesure où il est également à cheval sur les découpages régionaux courants (Asie du Sud-Est, Asie de l’Est, Asie du Sud), et puisque enfin ce qui le rend intéressant est sa diversité écologique ainsi que sa relation aux États, il représente un nouvel objet d’étude, une sorte de chaîne des Appalaches internationale, et une nouvelle manière d’étudier les aires régionales.

La thèse que je défends ici est à la fois simple, osée, et polémique. La Zomia est la dernière région du monde dont les peuples n’ont pas encore été complètement intégrés à des États-nations. Ses jours sont comptés. Il n’y a pas si longtemps, de tels peuples se gouvernant eux-mêmes représentaient la majorité de l’humanité. De nos jours, ils sont perçus par les royaumes des vallées comme « nos ancêtres vivants », « ce que nous étions avant de découvrir la culture du riz en rizière, le bouddhisme, et la civilisation ». Ici, au contraire, je défends l’idée que les peuples des hauteurs doivent plutôt être approchés comme des communautés de fuyards, de fugitifs, de délaissés qui ont, au cours des deux derniers millénaires, tenté de se soustraire aux différentes formes d’oppression que renfermaient les projets de construction étatique à l’œuvre dans les vallées – esclavage, conscription, impôts, corvées, épidémies, guerres. La plupart des territoires où résident ces peuples peuvent fort à propos être appelés « zones-refuge » ou zones morcelées.

Pratiquement tout, dans les modes de vie, l’organisation sociale, les idéologies et (de manière plus controversée) les cultures principalement orales de ces peuples, peut être lu comme des prises de position stratégiques visant à maintenir l’État à bonne distance. Leur dispersion physique sur des terrains accidentés, leur mobilité, leurs pratiques de cueillette, leurs structures de parenté, leurs identités ethniques malléables ainsi que le culte que ces peuples vouent à des chefs prophétiques ou millénaristes, tout cela permet en effet d’éviter leur incorporation au sein d’États et d’éviter qu’eux-mêmes ne se transforment en États. La plupart d’entre eux ont au départ tenté de se soustraire à un État en particulier : l’État chinois han sous sa forme précoce. Un grand nombre de légendes des hauteurs comporte ainsi un élément de fuite. Les sources documentaires, qui restent certes largement spéculatives jusqu’à l’an 1500, sont suffisamment précises après cette date – notamment concernant les campagnes militaires fréquentes menées contre les peuplades des collines sous les dynasties Ming et Qing, qui ont culminé avec les soulèvements sans précédent dans le sud-ouest de la Chine au milieu du XIXe siècle et qui ont fait des millions de réfugiés. Les mouvements de fuite hors des États birman et thaï afin d’échapper à leurs expéditions esclavagistes sont également amplement documentés. »


James C. Scott, Zomia, ou l'art de ne pas être gouverné, 2009.
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2022-05-30 23:22:35
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2022-05-30 23:22:35 « Un Polonais, un Tchèque, un Hongrois. Et trois générations

Trois générations se croisent et s'entrecroisent ainsi dans ces pages. La première est composée d'écrivains « habsbourgeois » nés dans le dernier quart du XIXe siècle, dont certains appartiennent à ce qu'on a coutume d'appeler la culture judéo-allemande. Songeons à la pléiade des grands romanciers centre-européens, à Kafka bien sûr, mais aussi à Joseph Roth, Robert Musil, Karl Kraus, Hermann Broch ou Jaroslav Hasek, l'auteur du Brave soldat Chvéïk. Avec eux, l'Europe centrale s'impose comme une sorte de « laboratoire du crépuscule » (Kundera), comme le lieu d'où nous furent révélées quelques-unes des contradictions majeures opérant au sein même de la « maison modernité ». Tous ont pressenti avec une extraordinaire lucidité la déshumanisation potentielle induite par l'identification de la Raison à l'impersonnalité de l'uniforme, à l'anonymat de la loi, à la neutralité de l'État et des appareils bureaucratiques toujours enclins à évoluer « par-delà le bien et le mal ». Comme si le rationnel et l'impersonnel étaient synonymes, comme si l'universel ne pouvait se conjuguer qu'à la troisième personne du singulier. Partant de ce constat, une interrogation lancinante traverse leurs écrits : comment repenser l'universalisme européen afin qu'il ne puisse en aucun cas arracher l'individu au « je » et au « tu », à la responsabilité de ses actes et au monde partagé avec d'autres ?

La deuxième génération, qui s'inscrit pleinement dans le sillage de ces mises en garde trop peu entendues, est précisément celle de Milosz, Patocka et Bibó, parvenus à l'âge adulte dans les années trente. Elle est au cœur de cet ouvrage. Tout en se réclamant de l'esprit européen, ces hommes ont rien de moins que jeté les bases d'une nouvelle culture politique, bouleversant largement les modèles traditionnels. Ce qui les rassemble ? Une manière inédite de conjoindre un point de vue moral et humaniste radical à une fidélité jamais démentie, bien que toujours critique, à l'héritage des Lumières. Fidélité critique au sens où les esprits centre-européens les plus créatifs de cette génération partagent un regard impitoyablement démystificateur sur le totalitarisme certes, mais aussi, et plus largement, sur les promesses avortées de la civilisation moderne dans son ensemble. Du moins toutes les fois que celle-ci s'autorise à dissoudre les impératifs éthiques les plus fondamentaux dans la logique inexorable de la Révolution, du Marché, de la Technique ou de la Croissance.

On pourrait ainsi avancer que l'originalité de ces penseurs a consisté à faire passer à gauche (non communiste s'entend) deux grands thèmes. À gauche, la critique de la modernité technique, dont le communisme tardif incarnait à leurs yeux la pointe la plus avancée, la rencontre historique, en somme, de la dictature et de la société de consommation. Une critique émise, autrement dit, au nom même des vertus émancipatrices de la modernité politique. À gauche encore, la problématique morale : soit l'idée que la conscience individuelle constitue, de nos jours, l'instance subversive par excellence. Par leur insistance sur l'horizon éthique de la démocratie et leur plaidoyer en faveur d'une politique de la conscience soucieuse de se placer sur un terrain avant tout existentiel, ces penseurs ont bel et bien quelque chose d'essentiel à nous offrir s'agissant de nous orienter dans le monde, ou plutôt dans le chaos contemporain. »


Alexandra Laignel-Lavastine, Esprits d'Europe, Autour de Czeslaw Milosz, Jan Patocka, István Bibó, 2005.
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2022-05-29 22:24:37
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2022-05-29 22:24:37 Selon moi, les grandes œuvres ne peuvent naître que dans l'histoire de leur art et en participant à cette histoire. Ce n'est qu'à l'intérieur de l'histoire que l'on peut saisir ce qui est nouveau et ce qui est répétitif, ce qui est découverte et ce qui est imitation, autrement dit, ce n'est qu'à l'intérieur de l'histoire qu'une œuvre peut exister en tant que valeur que l'on peut discerner et apprécier. Rien ne me semble donc plus affreux pour l'art que la chute en dehors de son histoire, car c'est la chute dans un chaos où les valeurs esthétiques ne sont plus perceptibles.


Milan Kundera, Les Testaments trahis, 1993.
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