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2022-04-24 23:09:34 « Que trois normaliens, de cinquante ans ou un peu plus, considérés dès leur jeunesse comme des têtes de génération, même des crèmes de tête, ayant acquis et formé toutes leurs idées et tous leurs sentiments politiques dans la température de l’affaire Dreyfus, aient succédé en 1924 à de grands avocats, c’était naturel, typique, instructif. En 1898, de la crise dreyfusienne, était né spontanément le système qui consiste à porter, en les temps difficiles, le dossier de la France chez un bon avocat d’affaires, le plus grand avocat d’affaires, alors Waldeck-Rousseau. Après lui Millerand et Poincaré tinrent le rôle, Poincaré, comme Waldeck-Rousseau, en grand citoyen, Millerand en grand commis, brisé dès qu’il se crut autre chose. Pendant un quart de siècle, les illustres avocats d’affaires constituèrent la valeur politique solide, le Suez du grand portefeuille. Autour d’eux, les autres valeurs de Palais : Briand, avocat d’assises dans les procès politiques de l’époque Dreyfus, qui joue du jury comme d’un instrument de musique et des assemblées comme du jury ; et surtout le chef-né du régime, le légiste de province, roublard, balzacien et pratique, qui, avec Grévy, Loubet, Fallières, Doumergue, a fourni la plupart des présidents de la République, les présidents de la République attendus, acceptés, normaux. L’armature de la République est une armature d’avocats. Depuis l’écroulement de la monarchie la France est veuve. Le code Napoléon a fait le Français orphelin (enfant trouvé, disait Renan). Les défenseurs de la veuve et de l’orphelin deviennent naturellement les défenseurs de la cité, ainsi que les évêques à la fin de l’empire romain. L’affaire Dreyfus a posé le professeur en rival, ou en concurrent, de l’avocat. On sait mieux qu’ailleurs, dans le berceau insulaire des Ecrits comment l’affaire Dreyfus fut une insurrection et une victoire d’intellectuels. Quels intellectuels ? Non ceux d’en haut -évidemment : la Ligue de la Patrie française était une ligue d’académiciens, la plupart des écrivains parisiens furent antirévisionnistes, et surtout il y eut ceci. Si l’affaire Dreyfus est devenue dans la vie politique française une coupure analogue à celle de la grande guerre dans la vie politique de l’Europe (elle renouvela notre personnel politique, ce que ne fit pas la grande guerre) c’est qu’elle passa du plan brillant, rapide et passager de Paris au plan profond de la province tenace. A Paris, les révolutions de l’intelligence ne se comptent plus, et politiquement elles ne comptent plus. Elles ne comptent plus depuis qu’une armée de ruraux, en 1871, a écrasé la Commune, et que ; Paris est réduit, dans la vie politique de la France, à un quatre-vingt-troisième d’influence, selon le vœu des Girondins. Dès lors, le bois politique se trouvant éloigné du foyer d’incendie, les révolutions de l’intelligence restent idéologiques et littéraires, se consument en feux de paille. À une époque où la presse était bridée, les journalistes parisiens ont pu faire les révolutions de 1789, de 1830 et de 1848. De 1880 à aujourd’hui, avec une presse absolument libre, l’Intransigeant, la Libre Parole et l’Action Française, le même accident relayé de la topographie parisienne, n’ont fait descendre dans la rue que du papier. Les vraies révolutions sont les révolutions de la province. Et la province a ses révolutions. »

Albert Thibaudet, La République des Professeurs, 1927.
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2022-04-23 23:34:07
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2022-04-23 23:34:07 « Le sacrifice a pour fonction d’apaiser les violences intestines, d’empêcher les conflits d’éclater. Mais les sociétés qui n’ont pas de rites proprement sacrificiels, comme la nôtre, réussissent très bien à s’en passer ; la violence intestine n’est pas absente, sans doute, mais elle ne se déchaîne jamais au point de compromettre l’existence de la société. Le fait que le sacrifice et les autres formes rituelles puissent disparaître sans conséquences catastrophiques doit expliquer en partie l’impuissance à leur égard de l’ethnologie et des sciences religieuses, notre inaptitude à attribuer une fonction réelle à ces phénomènes culturels. Il nous est difficile de penser comme indispensables des institutions dont nous n’avons, semble-t-il, aucun besoin.

Entre une société telle que la nôtre et les sociétés religieuses, il existe peut-être une différence dont les rites et plus particulièrement le sacrifice pourraient bien nous masquer le caractère décisif, s’ils jouaient à son égard un rôle compensateur. On s’expliquerait, ainsi, que la fonction du sacrifice nous ait toujours échappé.

Dès que la violence intestine refoulée par le sacrifice révèle un peu sa nature, elle se présente, on vient de le voir, sous la forme de la vengeance du sang, du blood feud qui ne joue dans notre monde qu’un rôle insignifiant ou même nul. C'est de ce côté-là, peut-être, qu’il convient de chercher la différence des sociétés primitives, la fatalité spécifique dont nous sommes débarrassés et que le sacrifice ne peut pas écarter, visiblement, mais qu’il maintient dans des limites tolérables.

Pourquoi la vengeance du sang, partout où elle sévit, constitue-t-elle une menace insupportable ? La seule vengeance satisfaisante, devant le sang versé, consiste à verser le sang du criminel. Il n’y a pas de différence nette entre l’acte que la vengeance punit et la vengeance elle-même. La vengeance se veut représaille et toute représaille appelle de nouvelles représailles. Le crime que la vengeance punit ne se conçoit presque jamais lui-même comme premier ; il se veut déjà vengeance d’un crime plus originel.

La vengeance constitue donc un processus infini, interminable. Chaque fois qu’elle surgit en un point quelconque d’une communauté elle tend à s’étendre et à gagner l’ensemble du corps social. Elle risque de provoquer une véritable réaction en chaîne aux conséquences rapidement fatales dans une société de dimensions réduites. La multiplication des représailles met en jeu l’existence même de la société. C'est pourquoi la vengeance fait partout l’objet d’un interdit très strict.

Mais c’est là, curieusement, où cet interdit est le plus strict que la vengeance est reine. Même quand elle reste dans l’ombre, quand son rôle reste nul, en apparence, elle détermine beaucoup de choses dans les rapports entre les hommes. Cela ne veut pas dire que l’interdit dont la vengeance fait l’objet soit secrètement bafoué. C'est parce que le meurtre fait horreur, c’est parce qu’il faut empêcher les hommes de tuer que s’impose le devoir de la vengeance. Le devoir de ne jamais verser le sang n’est pas vraiment distinct du devoir de venger le sang versé. Pour faire cesser la vengeance, par conséquent, comme pour faire cesser la guerre, de nos jours, il ne suffit pas de convaincre les hommes que la violence est odieuse ; c’est bien parce qu’ils en sont convaincus qu’ils se font un devoir de la venger.

Dans un monde sur lequel plane encore la vengeance, il est impossible de nourrir à son sujet des idées sans équivoque, d’en parler sans se contredire. Dans la tragédie grecque, par exemple, il n’y a pas, il ne peut pas y avoir d’attitude cohérente au sujet de la vengeance. S'évertuer à tirer de la tragédie une théorie soit positive, soit négative, de la vengeance, c’est déjà manquer l’essence du tragique. Chacun embrasse et condamne la vengeance avec la même fougue suivant la position qu’il occupe, de moment en moment, sur l’échiquier de la violence. »


René Girard, La violence et le sacré, 1972.
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2022-04-19 23:15:40
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2022-04-19 23:15:40 « … Les plus beaux romans de la vie — disait-il, quand je m’établis sur mes coussins de canapé, à l’abri des épaules de la comtesse de Damnaglia, — sont des réalités qu’on a touchées du coude, ou même du pied, en passant. Nous en avons tous vu. Le roman est plus commun que l’histoire. Je ne parle pas de ceux-là qui furent des catastrophes éclatantes, des drames joués par l’audace des sentiments les plus exaltés à la majestueuse barbe de l’Opinion ; mais à part ces clameurs très rares, faisant scandale dans une société comme la nôtre, qui était hypocrite hier, et qui n’est plus que lâche aujourd’hui, il n’est personne de nous qui n’ait été témoin de ces faits mystérieux de sentiment ou de passion qui perdent toute une destinée, de ces brisements de cœur qui ne rendent qu’un bruit sourd, comme celui d’un corps tombant dans l’abîme caché d’une oubliette, et par-dessus lequel le monde met ses mille voix ou son silence. On peut dire souvent du roman ce que Molière disait de la vertu : » Où diable va-t-il se nicher ?…« Là où on le croit le moins, on le trouve ! Moi qui vous parle, j’ai vu dans mon enfance… non, vu n’est pas le mot ! J’ai deviné, pressenti, un de ces drames cruels, terribles, qui ne se jouent pas en public, quoique le public en voie les acteurs tous les jours ; une de ces sanglantes comédies, comme disait Pascal, mais représentées à huis clos, derrière une toile de manœuvre, le rideau de la vie privée et de l’intimité. Ce qui sort de ces drames cachés, étouffés, que j’appellerai presque à transpiration rentrée, est plus sinistre, et d’un effet plus poignant sur l’imagination et sur le souvenir, que si le drame tout entier s’était déroulé sous vos yeux. Ce qu’on ne sait pas centuple l’impression de ce qu’on sait. Me trompé-je ? Mais je me figure que l’enfer, vu par un soupirail, devrait être plus effrayant que si, d’un seul et planant regard, on pouvait l’embrasser tout entier. »

Jules Barbey d'Aurevilly, Le dessous de carte d'une partie de whist, 1883.
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2022-04-18 23:31:28
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2022-04-18 23:31:28 « Parmi tout ce qui nous liait, Bernard de Fallois et moi, depuis nos premières rencontres chez Raymond Aron, présidant alors les débuts de la revue Commentaire dont Bernard s’était voulu l’éditeur, il y avait un émerveillement commun pour la paix dont jouissait depuis 1945 l’Europe occidentale, unie sous le bouclier vigilant de son alliée, l’Amérique du Nord. Cet attachement à la paix européenne était d’ailleurs caractéristique de ce petit groupe « Commentarien », dont le chef de file était en train de concevoir l’une de ses œuvres majeures : Penser la guerre : Clausewitz (1976). Nous avions traversé la « guerre froide », observé la crise cubaine, sympathisé avec les nations européennes de l’Est, impatientes du joug soviétique que leur avait imposé la conférence de Yalta, résisté aux dingueries soixante-huitardes qui associèrent à un nihilisme et anarchisme juvéniles, les vagues successives de léninisme, de trotskisme et de maoïsme littéraires, pour ne rien dire de Freud revu et corrigé par Lacan, ni de Heidegger, lequel, après avoir été exalté par Jean-Paul Sartre, Henri Birault et Jean Beaufret, se trouva renié par la « déconstruction » selon Jacques Derrida et le « post-modernisme » selon Jean-François Lyotard, autant de pédantesques exercices de la « pensée conceptuelle » parisienne. L’intelligence française que nous souhaitions aérer à droite a continué à s’étouffer par la gauche. Nous avons néanmoins accueilli avec enthousiasme la chute du mur et l’écroulement de l’U.R.S.S. Pendant toute cette période (Corée du Nord et Viêt-Nam à part), peu de coups de feu avaient été tirés par les « Occidentaux » qui auraient pu en avoir l’envie et qui en avaient les moyens pour accélérer la libération des nations sœurs, prisonnières : mais « l’équilibre de la terreur nucléaire » avait tenu lieu, dans les deux camps, de sagesse et de prudence. Comment se trouve-t-il, heureusement, que le lieu commun de la guerre et de la paix, dont a relevé et dont relève encore notre Europe de paix armée, aura été préparé au cours des millénaires par une suite de chefs-d’œuvre à sa représentation actuelle, depuis l’Iliade et l’Énéide jusqu’à Guerre et Paix de Tolstoï et Vie et Destin de Vassili Grossman, en passant par les « petites guerres » caractéristiques du trop court siècle de la diplomatie, le siècle de Louis XV, le règne de Louis XVI, avec lequel s’achèvent en France l’Ancien Régime, le gouvernement de la monarchie « absolue », l’autorité d’une aristocratie d’épée, de loisir, et de culture. Le nouveau régime français (qui tournait encore le dos à la révolution industrielle anglaise et à son apologie du travail et du profit) pourvut de l’épée et du canon un peuple entier et improvisa un nouveau genre de guerre, plus avide de conquête et de victoires que de négociations. »


Marc Fumaroli, Dans ma bibliothèque, La guerre et la paix, 2021.
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