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Читаю литературу и поэзию на французском языке.
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2021-04-04 00:26:57
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2021-04-04 00:26:57 « Gilles loua une petite maison sur la côte des Maures. Il s'y débattit dans une folle solitude. Il avait des amis aux environs, mais, pour rien au monde, il ne les aurait vus ; il ne voulait pas de soulagement. Il avait essayé de se saouler, mais le poids de l'alcool par-dessus celui de la souffrance faisait une surcharge insupportable. « C'est un cautère sur une jambe de bois », il répétait toute la journée de telles phrases toutes faites. Il fallait accepter la solitude, c'était la réalité même de la souffrance ; la solitude prenait des proportions fantastiques, c'était décidément sa destinée. « C'est un don inestimable qui m'est fait, prononçait-il avec une gravité dérisoire, que de connaître le sort humain dans toute sa nudité. Les solitaires sont riches de tout l'aveu de la véritable situation humaine. » Cette fatalité dominait aussi inexorablement ses rapports avec les femmes que ses rapports avec les hommes. »

Pierre Drieu la Rochelle, Gilles, 1939.
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2021-04-02 23:10:55
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2021-04-02 23:10:55 « Cette lettre, mon amie, sera très longue. Je n'aime pas beaucoup écrire. J'ai lu souvent que les paroles trahissent la pensée, mais il me semble que les paroles écrites la trahissent encore davantage. Vous savez ce qui reste d'un texte après deux traductions successives. Et puis, je ne sais pas m'y prendre. Écrire est un choix perpétuel entre mille expressions, dont aucune ne me satisfait, dont aucune surtout ne me satisfait sans les autres. Je devrais pourtant savoir que la musique seule permet les enchaînements d'accords. Une lettre, même la plus longue, force à simplifier ce qui n'aurait pas dû l'être : on est toujours si peu clair dès qu'on essaie d'être complet ! Je voudrais faire ici un effort, non seulement de sincérité, mais aussi d'exactitude ; ces pages contiendront bien des ratures ; elles en contiennent déjà. Ce que je vous demande (la seule chose que je puisse vous demander encore) c'est de ne passer aucune de ces lignes qui m'auront tant coûté. S'il est difficile de vivre, il est bien plus malaisé d'expliquer sa vie.
J'aurais peut-être mieux fait de ne pas m'en aller sans rien dire, comme si j'avais honte, ou comme si vous aviez compris. J'aurais mieux fait de m'expliquer à voix basse, très lentement, dans l'intimité d'une chambre, à cette heure sans lumière où l'on se voit si peu qu'on ose presque avouer tout. Mais je vous connais, mon amie. Vous êtes très bonne. Il y a dans un récit de ce genre quelque chose de pitoyable qui peut mener à s'attendrir ; parce que vous m'auriez plaint, vous croiriez m'avoir compris. Je vous connais. Vous voudriez m'épargner ce qu'a d'humiliant une explication si longue ; vous m'interrompriez trop tôt ; j'aurais la faiblesse, à chaque phrase, d'espérer être interrompu. Vous avez aussi une autre qualité (un défaut peut-être) dont je parlerai tout à l'heure et dont je ne veux plus abuser. Je suis trop coupable envers vous pour ne pas m'obliger à mettre une distance entre moi-même et votre pitié.
Il ne s'agit pas de mon art. Vous ne lisez pas les journaux, mais des amis communs ont dû vous apprendre que j'avais ce qui s'appelle du succès, ce qui revient à dire que beaucoup de gens me louent sans m'avoir entendu, et quelques-uns sans me comprendre. Il ne s'agit pas de cela. Il s'agit de quelque chose, non pas vraiment de plus intime (que puis-je avoir de plus intime que mon œuvre ?), mais qui me semble plus intime parce que je l'ai tenu caché. Surtout, de plus misérable. Mais, vous le voyez, j'hésite ; chaque mot que je trace m'éloigne un peu plus de ce que je voulais d'abord exprimer ; cela prouve uniquement que le courage me manque. La simplicité aussi me manque. Elle m'a toujours manqué. Mais la vie non plus n'est pas simple, et ce n'est pas ma faute. La seule chose qui me décide à poursuivre, c'est la certitude que vous n'êtes pas heureuse. Nous avons tant menti, et tant souffert du mensonge, qu'il n'y a vraiment pas grand risque à essayer si la sincérité guérit.
Ma jeunesse, mon adolescence plutôt, a été absolument pure, ou ce qu'on convient d'appeler telle. Je sais qu'une affirmation semblable prête toujours à sourire, parce qu'elle prouve généralement un manque de clairvoyance ou un manque de franchise. Mais je ne crois pas me tromper, et je suis sûr de ne pas mentir. J'en suis sûr, Monique. »

Marguerite Yourcenar, Alexis ou le Traité du vain combat, 1929.
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2021-04-01 21:13:15
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2021-04-01 21:13:15 « C’était inévitable : l’odeur des amandes amères lui rappelait toujours le destin des amours contrariées. Le docteur Juvenal Urbino s’en rendit compte dès son entrée dans la maison encore plongée dans la pénombre où il était accouru d’urgence afin de traiter un cas qui pour lui avait cessé d’être urgent depuis déjà de nombreuses années. Le réfugié antillais Jeremiah de Saint-Amour, invalide de guerre, photographe d’enfants et son adversaire le plus charitable aux échecs, s’était mis à l’abri des tourments de la mémoire grâce à une fumigation de cyanure d’or.
Il trouva le cadavre recouvert d’un drap sur le châlit où il avait toujours dormi, près d’un tabouret avec la cuvette qui avait servi à l’évaporation du poison. Par terre, attaché au pied du châlit, il y avait le corps allongé d’un grand danois au poitrail de neige et, près de lui, les béquilles. Par la fenêtre, la splendeur de l’aube commençait à peine à éclairer la pièce suffocante et bigarrée qui servait à la fois d’alcôve et de laboratoire, mais la lumière était suffisante pour que l’on reconnût d’emblée l’autorité de la mort. Les autres fenêtres, ainsi que toutes les fissures de la pièce, étaient calfeutrées avec des chiffons ou scellées de cartons noirs, ce qui augmentait son oppressante densité. Il y avait une grande table jonchée de flacons et de pots sans étiquettes et, sous une ampoule ordinaire recouverte de papier rouge, deux cuvettes en potin gris ébréché. La troisième cuvette, celle du fixateur, était celle-là même trouvée près du cadavre. Et partout des revues et des vieux journaux, des piles de négatifs en plaques de verre, des meubles cassés, mais tout était préservé de la poussière par une main diligente. Bien que l’air de la fenêtre eût purifié l’atmosphère, demeurait encore, pour qui savait l’identifier, la cendre tiède des amours infortunées des amandes amères. Le docteur Juvenal Urbino avait plus d’une fois pensé, sans esprit de prémonition, que cet endroit n’était guère propice pour mourir dans la grâce du Seigneur. Mais avec le temps il avait fini par supposer que son désordre obéissait peut-être à une détermination calculée de la divine providence. »


Gabriel García Márquez, L'amour au temps du choléra, 1985. Traduit de l'espagnol (Colombie) par Annie Morvan.
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2021-03-31 22:39:52
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