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« L’aristocrate ne se définit pas par les privilèges qu’on lui | Читаю вещи

« L’aristocrate ne se définit pas par les privilèges qu’on lui attribue ni par ceux dont il s’empare. L’aristocrate est libre, suprêmement libre. Libre en demeurant fidèle à ses valeurs, autant que libre quand il échappe à sa condition. L’honneur de l’aristocratie est de servir. La compassion est son code secret, sa ligne de conduite.
Enfant dans le Val de Loire, face au portail du Clos Lucé, manoir de brique et de pierre, où Léonard de Vinci achevât sa vie et rendit l’esprit, je rêvais déjà devant la devise de ma famille : « Dieu avant tout ». Mais notre père, Hubert Saint Bris, jeune lieutenant au Premier bataillon de Choc, héros de la guerre et diplomate, l’avait traduite à sa manière… et c’était mieux : « Rien sans amour ».
L’aristocrate est noble parce qu’il sert les plus belles causes avec honneur. Il perd son panache et son statut quand il tombe dans la pire des servitudes, celle de la cour. L’aristocrate est lui-même lorsqu’il est libre, encore plus lui-même lorsqu’il est rebelle. L’aristocrate est fidèle à ses valeurs lorsqu’il reste et qu’il résiste, il est encore dans la ligne de son idéal lorsqu’il fait le choix de partir pour la bonne cause. Charles de Gaulle à Londres ou Roland de La Poype, jeune aviateur de la France libre, quand il se rend en Russie pour s’engager dans l’escadrille Normandy-Niémen où lui, le jeune marquis, finira décoré de la médaille des héros de l’Union soviétique. Les aristocrates ne sont pas une race, ils sont eux-mêmes de toutes les ethnies, rien à voir avec la couleur de leur peau. On dit qu’ils ont le sang bleu, oui, c’est une image parce que c’est avec cette encre-là, au prix de leur vie, qu’ils écrivent l’Histoire.
Comme j’aime l’Histoire de ces cadets de familles qui ont quitté leur manoir, leur gentilhommière, leur campagne, leur forêt, pour découvrir le monde ! Par quel miracle ont-ils ce don prodigieux en lâchant tout de se retrouver partout chez eux et parfois souverains chez les autres ?
Dans la bibliothèque du monde, sur toutes les étagères de la planète, je les vois debout ! Ils sont des livres au garde-à-vous dans la collection des petits soldats de nos rêves d’enfant.
J’ai toujours pensé que grandir consistait à se comparer à plus grand que soi et à tenter de s’élever jusqu’au niveau de son modèle. L’admiration est pour moi la meilleure des écoles, c’est la plus belle des universités.
Être tout à la fois aristocrate et rebelle pourrait, à première vue, passer pour contradictoire. Et pourtant, les deux termes sont bien souvent complémentaires, pour ne pas dire connexes, dans la mesure où, par éducation, par culture et par tradition, les aristocrates détestent, plus que tout, la routine, le conformisme et les préjugés. Parce que, à l’origine de toute famille aristocratique, se trouve toujours un homme qui, à un moment donné, a dit non en s’engageant, les aristocrates qui tiennent à la tradition peuvent, plus facilement que les autres hommes, incarner la contestation, la rébellion et même, parfois, la révolution, c’est à dire, en un mot, affirmer pleinement leur liberté d’être.
Le terme d’aristocrate signifiant littéralement pouvoir de quelques-uns, ces derniers, forcément, se doivent d’être sinon toujours les meilleurs, du moins les plus sincères, les plus originaux et les plus percutants, quels que soient les domaines dans lesquels ils ont décidé de s’investir ou de s’engager, la politique, l’armée, l’écriture, l’art, la science, l’humanitaire, la religion, ceux-ci n’étant pas exhaustifs. N’oublions pas que la plupart de ceux qui ont mené, contre la régence d’Anne d’Autriche, cette révolte qu’on appela la Fronde, étaient, derrière Condé et quelques autres, de haute noblesse, tout comme ceux qui, au siècle des Lumières, derrière Conti, Montesquieu ou Condorcet, pour n’en citer que quelques-uns, accueillirent et diffusèrent les idées nouvelles. »

Gonzague Saint Bris, Aristocrates rebelles, 2017.